Les Tank Destroyer Battalions, un concept sans lendemain

Tank Insigne WW2
Insigne porté par les membres des Tank Destroyer Battalions

Étrangement, au sein de l’arme blindée américaine, la lutte antichar pure n’est pas confiée aux aux chars moyen M4 Sherman, mais aux Tank Destroyers regroupés dans des bataillons indépendants (Tank Destroyer Battalions ou TDB). Les premiers, qui forment l’épine dorsale des divisions blindées de l’Army ne sont censés engager les chars adverses que lorsque cela est nécessaire, une situation qui se présente à eux très souvent sur le théâtre méditérranéen et en Europe occidentale.

Le terme Destroyer désigne un matériel capable d’attaquer et de détruire tout en défendant. Composés de 3 compagnies de 12 véhicules divisées en trois pelotons, les TDB sont équipés à l’origine de Half-Tracks M3 Gun Motor Carriage (GMC) et de camions 4×4 Dodge M6 Fargo sur lesquels sont respectivement montés des obusiers de 75 mm et de 37 mm. Ces unités ont pour mission de prendre en embuscade les blindés adverses. Malheureusement, ils se révèlent inefficaces lors des engagements de Sidi Bou Zid et de Kasserine, notamment en raison de l’emploi de mauvaises tactiques. Par contre, le 601st TDB parvient à stopper la 10. PzD à El Guettar, avec le soutien des chars Tank Destroyer M10 du 899th TDB, Trente chars allemands sont détruits, mais au prix de 21 M3. C’est la seule et unique fois que ce type d’unité est utilisée de la manière prévue.

L’équipage d’un Dodge M6 Fargo posant pour un photographe lors d’une grande manoeuvre au Tennessee en juin 1943.
Premier canon automoteur de l’US Army, le Half-Tracks M3 GMC est déployé pour la première fois aux Philippines. Il ne donnera jamais satisfaction et sera déclaré obsolète en 1944. 

Les bataillons sont normalement placés en réserve pour pouvoir contrer des attaques blindées massives, mais celles-ci se faisant rares, ils vont opérer de la même manière que des bataillons de chars indépendants.

Des chars TD M10 viennent de sortir de l’usine Ford de Detroit, 1943. (c) NARA

Les premiers engagements en Tunisie s’avèrent peu concluants en particulier lorsque le M10 se trouve face aux nouveaux chars lourds allemands Panzerkampfwagen VI Tiger. Compte tenu du manque de protection que leur procure leurs engins, les équipages sont censés utiliser le terrain pour se protéger, une tâche compliquée dans les plaines arides de Tunisie. Compte tenu de leur manque d’efficience, 20 bataillons sont dissous dès la fin de l’année 1943. Le commandement pense les remplacer par des canons antichars, mais il décide finalement à engager les bataillons restants sur le front italien et celui d’Europe de l’Ouest où ils seront rattachés aux divisions d’infanterie mais aussi blindées. Ils ne vont donc plus combattre en unités constituées, mais en détachements dédiés au soutien direct des fantassins et des chars.

A Anzio, l’épave d’un TD M10 jouxte celle d’un char M4. (c) NARA

Le Tank Destroyer M 10 Wolverine

Entré en service en juin 1942, le TD M-10 remplace les engins précédents. Il reprend la mécanique, le moteur et les organes de roulement du Sherman M4A2 afin de réduire les délais de mise en production. Le blindage est allégé pour rendre le blindé plus manoeuvrable et rapide. Les pans obliques de la caisse et de la tourelle offre également une meilleure protection antichar. Si sa tourelle ouverte permet aux occupants de repérer plus rapidement les blindés adverses, elle les rend vulnérables aux tirs d’armes légères et aux éclats d’obus ; la rotation manuelle très lente de ladite tourelle est un autre handicap. Pour se défendre, l’équipage ne dispose que d’une mitrailleuse lourde Cal. 50 (12,7 mm) placé sur un affut court sur le contrepoids de la tourelle. Elle nécessite de se mettre à découvert pour en faire usage. La tourelle pivotant à 360° est équipé d’un canon de 76,2 mm antiaérien modifié pour le tir contre des objectifs terrestres. Il peut transpercer un blindage de 100 mm d’épaisseur à 900 mètres de distance, ce qui n’est guère suffisant contre les chars lourds allemands. Pour espérer pouvoir les vaincre, il doit opérer en meute et pouvoir les engager à 400 mètres de distance.

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Ce char s’engage dans une rue étroite de la localité de Saint-Fromond dans la Manche. En l’absence de toit de tourelle, un jet de grenade ou un tir bien ajusté depuis un étage peut suffire pour neutraliser l’équipage. (c) US Army
Tank M10 Achilles
Les Britanniques adaptent un canon antichar de 17 pounder sur le M10 pour avoir une chance de l’emporter contre les chars Panther ou Tiger. Néanmoins, son blindage est très insuffisant. Sur cette photo, deux tankistes allemand observent les points d’entrée de leurs obus sur le blindage latéral d’un M10. Même le masque a été percé (c) DR

Sur les 106 bataillons mis sur pied, 52 sont déployés en Europe, mais les résultats ne sont toujours pas la hauteur. Des bataillons voient leurs blindés privés de tourelles et transformés en tracteurs de pièces antichars de 90 mm ; d’autres reçoivent de nouveaux chars M-18 Hellcat doté du même canon, puis du M36 Jackson, un châssis de M10 sur lequel est monté une tourelle abritant un canon M3 de 90 mm à partir de septembre 1944. Le blindé se taille rapidement une solide réputation, car son canon est capable de mettre hors d’état de nuire les chars allemands les plus lourds et à longue distance.

TDM10 Brest 1944
Conçu dès le départ pour être un chasseur de char, le M18 est plus petit et beaucoup plus rapide que le M10. Il peut atteindre le 80 km/h sur route. Ici, un char M18 participe au nettoyage d’une rue de Brest en septembre 1944. (c) US Army
Des TD M36 progressent dans un épais brouillard dans le secteur de Werbomont le 20 décembre 44. (c) US Army
Un char M-10 du 701st TDB avance sur une route de montagne dans la région de Monte Terminale le 3 mars 1945. (c) Library of Congress

Dix bataillons sont envoyés dans les îles du Pacifique. Les chasseurs de char ont le plus grand mal à se mouvoir sur les sols détrempés et dans la jungle. De plus, s’ils sont supérieurs aux chars japonais Type 95 et 97, la tourelle ouverte est une faiblesse dont les fantassins japonais vont rapidement tirer parti dans les phases de combat rapproché en jetant des grenades à l’intérieur. Ils sont surtout utilisés pour réduire les casemates et autres pillboxes. Envoyé en mars 1944 en Nouvelle-Guinée, le 815th TDB équipé de M10 est tout bonnement dissout six mois plus tard et son personnel réaffecté au 112thCavalry Regiment. Les GMC M3 et M6, ils ne disparaissent pas pour autant, puisqu’ils sont déployés par les marines sur ce même front, notamment à Saipan, Peleliu ou Okinawa. Face aux chars japonais, ils se montrent relativement efficaces.

Aitape
Un équipage du 632nd TDB nettoie le tube de leur TD M10 à Aitape en Nouvelle-Guinée. (c) US Army

Les Tank Destroyer Battalions disparaissent finalement de leur belle mort à la fin de la guerre.

Deux chars TD M10, tourelle à 90°, veillent au grain dans le secteur de Leyte. Les échappement possèdent encore leurs systèmes d’étanchéité. (c) US Army


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