Seconde Guerre Mondiale : Disney s’en va t’en guerre

L’entrée en guerre des Etats-Unis le 9 décembre 1941 provoque un élan patriotique stupéfiant à travers tout le pays. Tous les Américains entendent soutenir leurs forces armées d’une manière ou d’une autre. Walt Disney et ses studios ne sont pas en reste. Ainsi 90 % de sa production servira à soutenir l’effort de guerre de différentes manières.

Occupation des locaux Disney et soutien indirect à la Seconde Guerre Mondiale

La guerre s »immisce très tôt dans la vie de la société. En effet, après l’attaque contre Pearl Harbor, les autorités américaines craignent d’éventuelles attaques nipponnes sur la côte ouest et que des agents ennemis s’infiltrent pour dynamiter les infrastructures industrielles ou militaires, voire empoisonner les réservoirs d’eau potable. Dès le 15 décembre, des sous-marins océaniques ennemis opèrent au large de la Californie. Le 23 février, le sous-marin I-17 bombarde au canon les installations pétrolifères d’Ellwood jouxtant la ville de Goleta. D’autres attaques auront lieu au cours des mois suivants. Si les dégâts sont mineures, ces actions provoquent un début de psychose parmi la population.

Les ports militaires et les régions côtières voient leurs défenses renforcées. Des mines sont mouillées au large des côtes tandis que des réseaux de barbelés, des mitrailleuses et des mortiers sont installés sur les plages. Des batteries d’artillerie et de projecteurs antiaériens sont déployées pour protéger les villes importantes et les installations sensibles. Les usines de défense sont camouflées. Ainsi à Burbank, les studios de l’empire du divertissement de Walt Disney sont occupés par 500 soldats d’une unité de défense antiaérienne. Cette occupation vise à protéger l’usine aéronautique Lockheed toute proche et va durer huit mois .

Production de films et animations de formation Disney pour la défense durant la Seconde Guerre Mondiale

Les studios ne vont tardé à s’impliquer dans l’effort de guerre pour soutenir le moral de la population et des militaires. Les personnages des dessins animés sont d’excellents moyens de communiquer de manière simple et amusante sur les sujets liés à la guerre. Si le patriotisme est un ressort important pour expliquer cette mobilisation, il est important de dire que le conflit va sauver les studios de la banqueroute financière.

Bien que Disney craigne d’être perçu comme un propagandiste, il met ses studios sur le pied de guerre. Ces derniers sont bientôt sollicités par l’industrie de défense et les forces armées américaines. Un contrat de 90 000 dollars est signé avec la Navy pour réaliser 20 films de formation. Disney va produire par la suite des dizaines de courts métrages d’animation et de formation à prix coûtant, soit 4 500 dollars l’unité.

En 1943, Disney autorise le Département du Trésor à utiliser 22 personnages pour décorer les certificats distribués par distribués par les banques et le War Finance Committee aux enfants ayant financé des War Bonds. (c) TdG

Disney produit des films de formation sur des sujets complexes pour l’Army, la Navy ou l’Army Air Force tel que : apprendre à manœuvrer un navire de guerre, comprendre les principes de base de l’aérodynamique ou les dangers du givre d’une cellule d’avion. Les entreprises passent aussi des commandes. Ainsi la firme Lockheed commande le film « Four Methods of Flush Riveting ». L’objectif de ce dessin animé est d’apprendre aux ouvriers et ouvrières à riveter vite et bien.

Productions de film Disney de propagande

Les Studios Disney produisent également des films patriotiques. Le héros Donald Duck présente les différents aspects de la vie du soldat comme dans « Fall out – Fall in » qui retrace l’expérience trépidante d’une marche prolongée avec une nuit de répit dans une tente récalcitrante.

Sorti le 23 avril 1943, le film d’animation « Fall Out – Fall In » retrace les joies de la vie militaire de Donald.

Le personnage de Donald Duck remporte un tel succès qu’il devient la mascotte la plus plébiscitée pour ce type de dessin animé. Il reprend du service dans un autre opus  » Der Fuehrer Face « . L’irascible canard tient ici le rôle d’un ouvrier dans une usine de munitions au « Nutzi Land ». Sorti le 1er janvier 1943, il est récompensé de l’Oscar du meilleur court métrage dans la catégorie du dessin animé. Traduit dans plusieurs langues, il sera même projeté clandestinement en Europe occupé.

La chanson « Der Fuehrer’s Fac » est une parodie du chant nazi « Horst-Wessel ». Contrairement à la version du dessin animé, les « Heil » sont remplacés par le son d’un « birdaphone ». Il s’agit d’un rasoir en caoutchouc, signe de mépris envers Hitler.
(c) Coll. TdG

Disney au secours du Département du Trésor

La même année, les studios produisent un autre court métrage d’animation  » The Spirit of 1943  » pour apprendre aux Américains à remplir leur à remplir leur formulaire fiscal. A ce propos, il est bon de noter que le gouvernement fédéral impose les personnes gagnant annuellement plus de 200 000 dollars à hauteur de 82%. Et sans que ces derniers ne crient au scandale ! En parallèle, les dessinateurs produisent également de nombreuses affiches de propagande, illustre des revues, des carnets de War Bonds, voire les boîtes d’allumettes.

En mars 1942, Mickey Mouse, Donald Duck, Pluto et Dumbo font la couverture du magazine Liberty. Ils sont représentés en train de déclarer leurs impôts sur le revenu.

Sous ses airs innocents, le numéro de Walt Disney Comics de mars 1943 faire référence à la guerre en évoquant les War Bonds, ainsi que les Foxholes. (c) Coll. TdG (c) Collection TdG

Le talent Disney au service des unités de combat

En effet, des unités écrivent aux studios pour leur demander de créer des patchs distinctifs personnalisés en adaptant les personnages qui ont fait le succès de Walt Disney. Une équipe est entièrement dédiée à la conception de ces insignes d’unités. Les militaires les peignent ensuite à l’envie sur les carlingues de leurs appareils ou de leur véhicules, à l’entrée de leur bases, et font fabriquer des insignes en tissu qui seront cousus sur leurs blousons. Les insignes décorant le nez des avions – le fameux Nose Art – deviennent incontournables. L’un des modèles les plus célèbres de l’exposition est Fifinella, la mascotte des femmes pilotes du WASP.

Au pays, les journaux locaux comme le  » Los Angeles Examiner  » distribuent une série de livrets répertoriant ces insignes de combat. Les jeunes achètent des timbres comme ceux ci dessous pour les coller a l’intérieur. (c) Coll. TdG
381st School Squadron
(c) Coll. TdG
Marine Fighting Squadron 221
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California State Guards
(c) Coll. TdG
45th Pursuit Squadron
(c) Coll. TdG

Le personnage de Fifinella est tiré du livre pour enfants  » The Gremlins  » écrit en 1942 par l’auteur à succès gallois – et ancien pilote de chasse – Roald Dahl. L’année suivante, les studios Disney contactent la maison d’éditions Random House pour adapter son œuvre. Le projet est lancé et les premiers personnages Gremlins sont conçus, parmi lesquels les Fifinella, des femmes volantes Gremlins. Malheureusement, le film d’animation est abandonné. Les Women Airforce Service Pilots (WASP) obtiennent néanmoins la permission de Walt Disney d’utiliser l’image de Fifinella pour en faire leur mascotte officielle.

These four female pilots leaving their ship at the four engine school at Lockbourne are members of a group of WASPS who have been trained to ferry the B-17 Flying Fortresses. (U.S. Air Force photo)
Insigne « Fifinella » (c) Collection TdG

On retrouve cet emblème sur le bombardier Boeing B-17  » Flying Fortress  » du First Lieutenant Thomas P. Smith appartenant au 91st Bomb Group de la 8th USAAF. L’appareil connait une fin funeste, puisqu’il est abattu par la Flak le 13 août 1944. Son pilote âgé de 20 ans reste aux commandes permettant à son équipage d’évacuer l’avion avant qu’il ne s’écrase à hauteur d’Incarville, au sud-est de Rouen. Smith repose au cimetière de Colleville-sur-Mer (Plot A, rangée 13, tombe 4)

Le film « Victory Through Air Power » sorti le 17 juillet 1943 est basé sur le livre éponyme d’Alexander P. de Seversky sorti l’année précédente. L’équipe Disney participent à des vols pour mieux comprendre les problèmes rencontrés par les aviateurs.

Au total, 1 300 insignes de ce type vont être créés !!! Disney produit plus de 122 kilomètres de pellicules, la plupart du temps aux prix coûtant. Cela équivaut à 68 heures de films en continu. Walt Disney sera quant à lui proclamé « ambassadeur de bonne volonté ».

Mon ouvrage « L’Amérique en guerre : 1933 – 1946 » qui paraît le 22 février prochain s’intéresse dans le détail a des aspects peu connus de ce pan crucial de l’histoire américaine. Si le volet strictement militaire occupe une place centrale de l’ouvrage, il y sera aussi question de la contribution de la société civile à la guerre et à la victoire. À de multiples égards, certains aspects trouvent une forme de résonnance avec la période actuelle. 

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