La petite histoire du Corsair

Après plusieurs mois consacré à l’écriture d’un ouvrage qui je l’espère fera date, je reprends mon clavier pour enrichir mon blog. Cette fois, j’ai décidé de m’intéresser à un avion mythique, le fameux Chance Vought Corsair rendu célèbre tant par ses qualités intrinsèques, sa « gueule inimitable » et le succès de la série « Les Têtes Brûlées » ( Black Sheep Squadron dans la version originale).

Le Bureau of Aeronautics de l’US Navy lance un appel d’offre pour un nouveau chasseur embarqué très performant le 1er février 1942, soit peu de temps après les premiers essais en vol des prototypes du Brewster F2A Buffalo et du Grumman F4F Wildcat. Les firmes Grumman, Bell et Vought-Sikorsky. Le cahier des charges est ambitieux. L’avion de chasse monoplace doit être rapide et bien armée et capable de parcourir 1600 kilomètres. Il doit également être en mesure de transporter deux bombes et sa vitesse de décrochage doit être inférieure à 110 km/h. Développé un tel chasseur est une véritable gageure car sur un porte-avions, l’utilisation d’avions dotés de moteurs très puissants rend les décollages et les appontages périlleux sinon impossible.

Le prototype du Chance Vought XF4U-1 photographié en vol en 1940. La verrière plate avec de nombreux montants n’est pas une réussite. (c) U.S. Navy

Chez Vought-Sikorsky, l’ingénieur en chef Rex B. Beisel et son équipe relève le défi et conçoivent une petite cellule capable de recevoir un Pratt & Whitney R-1830, le moteur à étoile le plus puissant de l’époque. Leur prototype V-166B est finalement choisi. Le 30 juin 1938, l’US Navy passe commande du prototype. L’appareil respecte les standards de construction de l’époque, exception faite des ailes en W, dite en « ailes de mouette inversées.» Cette forme de voilure était rendue nécessaire compte tenu de l’imposant diamètre de 4 mètres de l’hélice. Cela permet d’augmenter la garde au sol de celle-ci sans pour autant allonger les trains d’atterrissage ce qui aurait pour conséquence de fragiliser ces derniers. Son fuselage est profilé et ses larges ailes sont rabattables afin de réduire l’encombrement. Les premiers appareils reçoivent une verrière plate avec de nombreux montants. Le pilote souffrait d’un grand manque de visibilité en raison de la forte élévation de l’avant de l’avion et de la position reculé du cockpit, mais les essais en vol démontrent l’énorme potentiel de l’appareil.

La Royal Navy reçoit 95 F4U-1 pour la Fleet Air Arm. Ils reçoivent la dénomination Corsair Mk.I. (c) DR

Le 1er octobre 1940, le XF4U-1 dépasse les 650 km/h et sa superstructure est capable de résister à des piqués avoisinant les 900 km/h. au vu de l’expérience acquise par les belligérants, l’armement est renforcé. Les premiers appareils de série seront munis de six mitrailleuses calibre 50 puis de 4 canons de 20 mm. L’US Navy passe une commande ferme de 584 avions à Vought-Sikorsky en juin 1941. Malheureusement, les essais sur porte-avions sont calamiteux. Le Corsait souffre d’un manque de visibilité vers l’avant et a une fâcheuse tendance à décrocher lors des appontages. Il est si difficile à maîtriser qu’il est surnommé le « tueur d’enseigne » (Ensign killer). Si les pilotes britanniques de la Fleet Air Arm sont les premiers à utiliser le Corsair sur ses porte-avions, pour ceux de l’US Navy, ces défauts de jeunesse sont rédhibitoires. Il est pourtant décider d’en équiper la VF-12 et la VF-17. Cette dernière effectue sa première mission opérationnelle le 11 novembre 1943. Le squadron basé à terre assure la protection des porte-avions USS Bunker Hill et USS Essex engagés lors d’un raid de bombardement au dessus de Rabaul. Les deux squadrons sont qualifiés à l’appontage, mais ils sont rapidement débarqués. L’US Marine Corps, désireuse de troquer ses vieux F4F Wildcat contre des appareils plus modernes, accepte de les utiliser depuis ses bases terrestres. L’US Navy ne reviendra sur sa position qu’en avril 1944.

Des pilotes de Corsair basés sur l’île de Munda. (c) U.S. Navy
Le Chance Vought Corsair F4U-1 « Bubbles » et du Marine Fighter Squadron VMF 124 au dessus de Guadalcanal
(c) U.S. Navy

Les Corsair vont donc principalement opérer depuis la terre en particulier dans les Salomons. Les Corsair de la VMF 124 connaissent leur baptême du feu le 12 février 1943 à Guadalcanal. Deux jours, plus tard, l’unité enregistre ses 2 premières pertes après une rencontre avec des chasseurs nippons.  L’unité la plus illustre est sans conteste la VMF-214 des « Black Sheep » conduite par le Colonel Gregory Boyington, dit « Papy ». L’unité, basée sur l’île de Vella la Cava, est formée en août 1943. Pendant 85 jours, les Boyington’s Bastards vont harceler les Japonais sur terre comme sur mer et défier les pilotes nippons. Le tableau de chasse du squadron est éloquent : 203 avions, appareils et plusieurs navires coulés. La VMF 214 termine son second tour d’opération en janvier 1944 peu après que son leader soit capturé après que son Corsair ai été abattu lors d’un sweep au-dessus de Rabaul. Elle sera reformée aux États-Unis le 29 janvier 1944 et affectée sur l’USS Franklin (CV-13) le 4 février 1945. Trente-deux membres de l’escadrille trouveront la mort au cours d’une attaque kamikaze contre le porte-avions lors de la bataille d’Okinawa.

Les vraies « gueules » de la VMF 214 au grand complet.
Pappy Boyington est le neuvième en partant de la gauche au premier rang.
(c) WWII Museum
Le Major Gregory Boyington a débuté avec les Tigres volant de Claire Chennault en Birmanie.
Avec 26 victoires à son actif, l’officier recevra la Medal of Honor et la Navy Cross. (c) U.S. Navy

La VMF-113 est également équipé de F4U-1 ainsi que les VMF-312, 323 et 224. Ces unités vont combattre sur des versions améliorées du F4U-1. À la différence du Hellcat, le Corsair peut difficilement rivaliser en combat tournoyant avec le Zero, mais sa vitesse, sa robustesse et sa puissance de feu lui confèrent un avantage décisif .

Quelque part sur île du Pacifique, des chasseurs Corsair revêtus de leur livrée bleu nuit attendent leur prochain engagement.
(c) U.S. Navy
Des armuriers installent un réservoir largable rempli de napalm. (c) U.S. Navy
Novembre 1944, un chasseur Corsair vient de larguer son bidon de Napalm sur une des nombreuses grottes de Five Sisters Peaksv sur Peleliu où se sont retranchés des défenseurs japonais. Les trains sont sortis pour ralentir au maximum la vitesse d’approche. (c) U.S. Navy

Il excelle à la fois comme avion de chasse et comme avion d’attaque au sol. Les versions F4U-1D possèdent deux pylônes jumeaux permettant l’emport de réservoirs largables ou de bombes de 454 kg. Le F4U-4 doté d’un moteur plus puissant, est la dernière version à entrer en service pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les pilotes de Grumman F6F Hellcat peuvent se targuer d’avoir obtenu deux fois plus de victoires aériennes, la renommée de cet appareil sera sans commune mesure avec celle du Corsair. Sa carrière opérationnelle ne s’arrête pas en 1945, car de nombreux pays vont en acquérir, en particulier l’Aéronautique Navale Française. Il reprendra du service lors de la guerre de Corée. L’USAF va recourir aux chasseurs à hélice pour appuyer les forces terrestres, un domaine dans lequel les avions à réaction sont pris en défaut. 12 571 exemplaires du Corsair auront été produits à la fin de la production du F4U en 1952.

Des Corsair lourdement chargés s’apprêtent à décoller du pont du porte-avions enneigé USS Essex (CV-9) le 18 janvier 1952. Ils côtoient des chasseurs à réaction Grumman F9F Panther. (c) U.S. Navy

Tous droits réservés. Christophe Prime, août 2021.

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