Connaissez-vous les Concrete Ships ?

Si Henry Kayser et les Liberty ships sont entrés dans la légende en contribuant à la victoire alliée dans l’Atlantique et dans le Pacifique, les Concrete ships sont quant à eux tombés dans l’oubli.

Une coque en ferro-ciment en cours de fabrication à Tampa Bay en 1943. (c) NARA – www.colourise.sg

Une invention française

L’idée n’est pas neuve. C’est au Français Joseph Louis Lambot, un agriculteur du Var, qu’on doit d’avoir fabriqué en 1848 la première embarcation en ferro-ciment. La barque est testé avec succès sur le lac et l’essaye sur le lac de Besse-sur-Issole (Var). Le matériau de substitution au bois de Lambot consiste en un treillis métallique assemblé en forme de corbeille noyé dans du ciment hydraulique.Il dépose le brevet en janvier 1855 et présente un bateau à l’Exposition Universelle de Paris. Malheureusement son invention passe inaperçu. D’autres vont prendre sa suite et construire des bâtiments de plus en plus imposants. Un autre Français, Joseph Monier dépose plusieurs brevets une dizaine d’années plus tard. En 1887, l’entreprise Gebruders Picha construit à Saas-van-Gent une barque en ciment armé baptisée Zeemeuw. A la fin du 19e siècle, l’ingénieur italien Carlo Gabellini conçoit des barges et de petits bâtiments.

Les premiers Concrete Ships voient le jour pendant la Grande Guerre

Le S.S. Faith en construction. (c) DR – www.colourise.sg

À la fin de la Première Guerre mondiale, plusieurs pays construisent des coques de navires en béton pour pallier la pénurie de matériaux. En 1917, la marine norvégienne lance ainsi le Namsenfjord, le premier navire de haute mer entièrement réalisé en béton et en acier. La même année, le président Wilson lance une étude et la San Francisco Ship Building Company basé à Oakland est crée par Leslie Comyn. Le S.S. Faith, un steamer de 6 125 tonnes, sort des chantiers en mars 1918. Le mois suivant, l’Emergency Fleet Program prévoit la construction de 24 navires en béton. 12 seront achevés et vendus à des sociétés privées. En France, l’État commande 150 péniches de rivière et de chalands de haute mer en béton armé pour transporter du charbon de la Grande-Bretagne vers la France. Au final, seules 36 barges de 1 000 tonnes du type « Lezard » conçues par l’ingénieur Eugène Freyssinet sont construites. Mais avec le retour à la Paix, les pays vont abandonner ce type de construction.

Les Concrete Ships et l’effort de guerre américain

Lorsque les États-Unis basculent de nouveau dans la guerre, les centaines de cargos de type Liberty et Victory et les pétroliers T2, produits à la chaîne dans les chantiers navals américains, selon les méthodes de standardisation d’Henri Kayser, permettent aux États-Unis de dépasser le tonnage marchand des pertes infligées par les U-Boote pour transporter des quantités sans cesse grandissante de matériels en raison des énormes besoins logistiques alliés. Néanmoins, l’économie américaine fait feu de tout bois pour accroître sa flotte de charge. L’US Maritime Commission passe commande aux chantiers navals McCloskey and Company of Philadelphia (Pennsylvanie) de 24 concrete ships en béton armé pour se substituer aux coques en acier. Les avancées techniques et technologiques – Freyssinet invente le béton précontraint en 1928 – permettent de développer des bâtiments plus légers et plus résistants. En effet, les coques en ferro-ciment possèdent des caractéristiques mécaniques très proches de celles en acier, l’élasticité en moins.

Le chantier de construction de Concrete Ships de Tampa Bay. Le premier à gauche est le S.S. Arthur Newell Talbot. Il est lancé en juillet 1943. (c) NARA – ww.colourise.sg

L’Allemagne va également faire construire une cinquantaine de barges de transport fluvial en ferro-ciment. 24 navires sortent des chantiers navals du Pirée pour ravitailler les îles grecques à moindre coût.

Les navires sortent des chantiers de Tampa Bay (Floride) à partir de juillet 1943 au rythme d’un tous les mois. Tous reçoivent le nom d’une personnalité ayant marqué l’industrie cimentière. De nouvelles compagnies sont contactées pour accroître la production, mais faute de moteurs, les bâtiments sont transformés en barges de stockage de très grande dimension. Au total, 78 unités vont voir le jour. Les fameux caissons flottants Phoenix mis en œuvre pour protéger les ports artificiel d’Arromanches et de Saint-Laurent-sur-Mer sont construits selon le même principe.

Les Concrete Ships sont reconnaissables à aux renforts de leurs coques. (c) NARA – ww.colourise.sg

La société californienne National City fabrique pour l’US Navy dispose de 3 barges BRL (Barge Refrigerated Large) en ferro-ciment dans le Pacifique Sud pour ravitailler les troupes en produits frais surgelés. Le plus grand de ces congélateurs flottant peut abriter l’équivalent de 64 wagons de viandes congelées et 500 tonnes de produits frais. Une machine permet de produire 5 tonnes de crème glacée par jour. Chaque bâtiment a coûté 1 120 000 dollars.

Publicit américaine vantant les BR(L). (c) DR

Faits peu connu, en mars 1944, le S.S. David O. Saylor and le S.S. Vitruvius rejoignent le port de Liverpool. Le 16 juillet, les deux blockships sont coulés au large de la plage d’Utah. Certains bâtiments navigueront encore quelques années mais la plupart seront transformés en brise-lames.Quelques épaves gisent toujours le long de la côte des États-Unis et du Canada. Le S.S. Henri Le Chatelier construit par la Concrete Ship Constructors of National City et six autres bâtiments sont visibles sur la rivière Powell en Colombie britannique avec 6 autres (Canada). Neuf gisent à Kiptopeke (Virginie).

Une entreprise californienne travaille sur un projet de cargo dont la forme devait permettre d’atteindre la vitesse de 75 noeuds. La fin de la guerre mettra fin aux recherches prématurément.

Tous droits réservés. Christophe Prime. Septembre 2019.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *