Mais qui a voulu la peau d’Hitler ?

Au cours de ses 12 années passées à la tête de l’Allemagne, Adolf Hitler a fait l’objet d’une quarantaine de plans et tentatives d’assassinat, mais ces derniers mal préparés ou été présentés ou ont échoué. Je vous propose de découvrir les opérations qui auraient pu réussir à neutraliser le dictateur nazi.

La société allemande mise au pas

Dès son avènement au pouvoir comme chancelier du Reich en janvier 1933, Adolf Hitler fait de l’Allemagne un État totalitaire doté de redoutables appareils de surveillance et de répression pour traquer et de museler les opposants. Le 4 février, les nazis obtiennent du vieux président Hindenburg la promulgation d’une ordonnance autorisant l’État à interdire toutes réunions et publications qui menaceraient la sécurité du pouvoir. Une véritable terreur s’abat sur le pays. Lors des élections de mars 1933, Göring se sert de la police prussienne, qui a été noyautée par les Sturmabteilungen (SA) pour mater l’opposition marxiste et épurer les administrations. Une police auxiliaire forte de 50 000 hommes est chargée d’interdire toute réunion non nazie. Quelques jours avant le scrutin, le 27 février, l’incendie du Reichstag imputé aux communistes débouche sur l’arrestation de 4 000 militants et l’interdiction du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands). Dans la foulée, tous les autres partis politiques sont liquidés, faisant du NSDAP le seul autorisé. La loi nommée « lex Van der Lubbe » prévoit le recours à la peine de mort pour toute atteinte à la sécurité publique. Dirigée par le redoutable Heydrich, la police secrète d’Etat, la Geheime Staatspolizei soumet le pays à une surveillance impitoyable. Elle est aidée dans sa tâche par la Schutzstaffel (SS) d’Heinrich Himmler. L’ancienne garde personnelle du Führer fait office de police politique du Parti.

Le Reichstag, le siège du parlement allemand dévasté par l’incendie criminel du 27 février 1933.  Un sympathisant communiste néerlandais de 24 ans, Marinus van der Lubbe, est arrêté avec quatre autres suspects. Il est reconnu coupable et décapité en janvier 1934.

L’opposition social-démocrate est considérablement affaiblie par les vagues arrestations qui s’abattent sur ses membres. En 1936, 1 687 militants sont arrêtés, et 8 058 en 1937. Plusieurs milliers de procès sont intentés ; 62 députés du SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands) sont assassinés, cinquante-quatre partent en exil. Le parti communiste est une cible prioritaire de la répression nazie. Ainsi, 57 députés du KPD sont assassinés et une vingtaine prend le chemin de l’exil pour échapper à ce funeste sorte. Pour autant, le KPD ()poursuit son activité de manière clandestine. Près de 70 % des tracts et brochures saisis par la Geheime Staatspolizei ou Gestapo en 1937 sont imprimés par des militants communistes. Entre 1933 et 1939, 225 000 personnes sont condamnées pour motifs politiques à des peines de prison plus ou moins longues et 1 000 000 de personnes sont enfermés dans les camps de concentration.

Hitler à Nuremberg en novembre 1935. Les SA et les SS assurent la sécurité rapprochée d’Hitler. (c) DR
La grande messe nazie de Nuremberg de septembre 1935. La croix gammée devient l’unique emblème de l’Allemagne. (c) TdG

Le parti nazi devient un parti de masse embrigadant et tenant sous sa coupe toute la société, mobilisant les Allemands à travers de gigantesques rassemblements soigneusement mis en scènes comme le congrès annuel du parti à Nuremberg. L’Allemagne nazie qui entend fabriquer « l’homme nouveau » est soumise à une hiérarchie, dont Hitler est le Führer, le guide. Érigés en idéologie officielle, le racisme et l’antisémitisme sont mis en application avec un ensemble de mesures et de lois excluant les juifs de la vie publique et de la communauté nationale. Des exilés allemands essayent d’avertir le monde du danger nazi mais ils ne sont pas suivis par des démocraties ne réalisant pas la véritable nature du régime.

Des centaines de parlementaires et de syndicalistes sont enfermés dans des camps improvisés afin d’y être « rééduquer ». La déclaration de l’État d’urgence loie le 28 février 1933 autorise les forces de police à arrêter et interner sans jugement et pour une durée indéterminée les personnes suspectes. Des camps de détention plus vastes sont crées pour à Dachau près de Munich, Oranienburg-Sachsenhausen dans les faubourgs de Berlin et dans l’Emland près de la frontière néerlandaise. Celle de Dachau est construit dans les locaux désaffectés d’une ancienne poudrerie et reçoit ses 150 premiers détenus le 22 mars 1933. Il sert de modèle pour l’édification de nouveaux camps comme celle d’Orianenburg.

Himmler, chef de la SS et de la Gestapo, visite le camp de Dachau en 1936. (c) Bundesarchiv

Une muselée intérieure de l’opposition

Malgré la surveillance et la répression mis en œuvre par le régime hitlérien, l’opposition ne cesse de se manifester au sein de toutes les couches sociales, aussi bien chez les militants du Parti Communiste allemand, le KPD, que chez les sociaux-démocrates ou bien l’aile gauche des sociaux-démocrates c’est à dire le parti socialiste des travailleurs allemands. Ces hommes et ses femmes entrent en opposition, qu’ils soient en Allemagne ou depuis leurs lieux d’exil. Figure de proue du KPD, Ernst Thälmann est arrêté puis emprisonné en 1933. Bon nombre d’intellectuels allemands cherchent à former un front de défense uni dans l’exil: Heinrich Mann, le frère de Thomas Mann, Walter Benjamin, Bertold Brecht lancent ainsi un appel, « le front défense », depuis le Lutecia en 1936. En réalité les difficultés politiques sont énormes et les oppositions au sein même de l’opposition antinazie sont insurmontables, si bien que cette initiative est sans lendemain.

Werner Freiherr von Fritsch (à gauche) et Ludwig Beck. (c) Bundesarchiv.

Face à la stratégie d’agression d’Adolf Hitler, des officiers choisissent pourtant le parti de la désobéissance. Des groupes d’opposants se forment au sein du Haut-Commandement de la Wehrmacht, de l’Abwehr, le service du contre-espionnage dirigé par l’Admiral Wilhelm Canaris et du Ministère des Affaires étrangères. Le chef d’État major des Armées, le Generaloberst Ludwig Beck, s’oppose au plan d’invasion de la Tchécoslovaquie qu’il juge prématuré et se montre opposé à une guerre contre les puissances occidentales. Il incite les officiers à conseiller. Des diplomates informent les gouvernements français et britanniques des projets allemands, et certains prônent d’attenter à la vie du Führer. Dès 1938, le Generalmajor Hans Oster chef adjoint de l’Abwehr et Hans Dohnanyi, le conseiller du juge nazi Franz Gürtner, préparent un attentat visant à renverser le régime. Le plan est d’attaquer la chancellerie du Reich et de tuer Hitler avant de neutraliser le parti nazi pour empêcher l’invasion de la Tchécoslovaquie. Cependant les accords de Munich met Hitler au firmament et ruine les plans des conspirateurs.

Protéger Hitler

Des membres du SS-Begleitkommando des Führers posent en compagnie du dictateur. (c) DR

Dès la création du NSDAP, Hitler va bénéficier d’une protection rapprochée visant à garantir sa sécurité. Heinrich Himmler et ses SS accompagnent le leader politique dans ses moindres déplacements et activités à partir de 1929. À partir de mars 1932, un détachement spécial de huit hommes est sélectionné par Sepp Dietrich pour l’ancien le SS-Begleitkommando des Führers ou Führerbegleitkommando (FBK) qui est chargé d’assurer la protection rapprochée de Hitler. Ses membres possèdent des pouvoirs spéciaux et coopèrent avec les autres services de sécurité et de la police. Il est remplacé au printemps 1934 par le Führerschutzkommando (FSK) qui doit assurer la sécurité du maître du Reich dans tous ses voyages à travers l’Allemagne. Les gardes du corps du FSK sont issus de membres de la police bavaroise. Ils évitent toute routine et choisissent les itinéraires et les modes de transport au dernier moment. Le FBK est quant à lui renforcé par l’adjonction de membres issus de la Leibstandarte SS Adolf Hitler. Ses détachements gardent jour et nuit la chancellerie et ses résidences quand’elles sont inhabitées. De concert avec le Sicherheitsdienst (service de sûreté du Reich), les détachements SS verrouillent les lieux où le dictateur doit faire des apparitions publiques. Les attentats qui ont été permet aux services de sécurité d’améliorer leurs systèmes de protection. Les voitures utilisées lors des voyages officielles sont des Mercedes. En 1942, une version entièrement blindée est fabriquée pour Hitler. La Mercedes 770 KW 150 possède des vitres de 40 mm, des pneumatiques à 20 cellules increvables et des plaques de blindage traitées au manganèse dans les portières et le plancher pour résister à une explosion de grenade ou à celle d’une mine. Le poids total du véhicule avoisine les cinq tonnes.

Au fil des années, il devient de plus en plus difficile d’accède jusqu’à Hitler en dehors de ses familiers. Ses déplacements et ses interventions en public se font plus rares. La Chancellerie, le Berghof et les quartiers-généraux tel que le Wolffschanze deviennent ses principaux lieux de villégiature. Ils sont transformés en véritables forteresses.

Le poste de garde de l’Obersalzberg. Une garnsion SS et des unités de Flak assurent la défense des lieux. (c) Bundesarchiv.

D’illustres inconnus si proches d

Le 4 mars 1933, le menuisier Kurt Lutter et quelques camarades, projettent de tuer Hitler en faisant exploser une bombe lors d’un meeting de campagne électorale à Königsberg, mais ils sont arrêtés la veille à la suite d’une information. Ils seront finalement libérés par manque de preuves. En 1934, Josef « Beppo » Römer et Nikolaus Halem tous les deux anciens membres du Freikorps échafaudent des projets d’assassinats qui conduisent à leur arrestation et leur emprisonnement à Dachau jusqu’en 1939. Sitôt libéré, Römer créé un réseau sur son lieu de travail et échafaude de nouveaux plans d’assassinat contre Hitler. Il sera de nouveau arrêté  en février 1942 et condamné à mort le 16 juin 1944. Son exécution aura lieu le 25 septembre de la même année à la prison de Brandenburg-Görden.

L’industriel Helmuth Mylius prépare lui aussi un coup d’État contre le chancelier Hitler à Berlin. L’entreprise est de taille puisqu’elles impliquent près de 160 personnes. Beaucoup appartiennent aux organisations d’extrême droite telles que le Jungdeutsche Orden (Jeune Ordre Allemand), le Schwarze Front (Front noir) ou encore le Stahlhelm (Casque d’acier). Avec Hermann Ehrhardt, un des leaders du Freikorps, Mylius collection des informations sur les habitudes d’Hitler et la sécurité de la Chancellerie. Mais le coup d’État n’a pas lieu, le mouvement ayant été infiltré par la Gestapo. Mylius est accusé de complot en vue d’assène Adolf Hitler. L’intervention de son ami le Generalmajor Erich von Manstein lui évite d’être arrêté.

La famille et les amis d’Helmut Hirsch lancent une campagne pour le libérer ou commuer sa peine en prison à vie. Le gouvernement intervient également, le père de Hirsch étant citoyen américain. (c) DR

Helmut Hirsch un étudiant juif en architecture exilé à Prague proche du Schwarzen Front d’Otto Strasser, une organisation composée d’expatriés allemands opposés à Hitler, projette de perpétrer un attentat à la bombe. Son activisme et le déplacement de sa famille n’ont pas échappé aux agents nazis qui attendent le bon moment pour agir. Hirsch doit passer la frontière et se rendre à Stutttgart, sa ville natale, avant de gagner la ville de Nuremberg où deux valises d’explosifs vont lui être remises. Il doit ensuite les placer dans un haut lieu du nazisme à Nuremberg : le siège du NSDAP ou le bureau du quotidien Der Stürmer. Le 21 décembre 1936, il est arrêté par des agents de la Gestapo dans la chambre de son hôtel à Stuttgart. Il est accusé de haute trahison et condamné à mort le 8 mars 1937 et exécuté le 4 juin 1937.

Maurice Bavaud, un jeune homme, sensible et un peu rêveur originaire de Neuchâtel.

La première tentative d’attentat ne va pas être le fait d’un citoyen allemand mais d’un ressortissant suisse. Maurice Bavaud, âge de 22 ans ans ans est un jeune homme simple et sans histoire, empreint d’une profonde religiosité. La persécution des juifs d’Allemagne et les funestes desseins d’Hitler lui sont insupportables. En octobre 1938, il se rend alors en Allemagne avec la ferme intention d’attenter à la vie du Führer. Il se procure un pistolet et tente de s’approcher de sa cible. Après avoir vainement tenté sa chance à Berlin, puis à Berchtesgaden, il apprend qu’Adolf Hitler doit participer à la commémoration du putsch manqué du 8-9 novembre 1923 à Munich. Muni de son arme, il se fait passer pour un sympathisant suisse et se place dans une tribune. Quand Hitler longe cette dernière, Bavaud ne peut tirer en raison de son éloignement et des spectateurs placés dans sa ligne de mire. Les jours suivants, alors que l’Allemagne est le théâtre d’un gigantesque progrom œuvre par le parti nazi, Bavaud tente de nouveau d’accéder à Hitler en produisant deux lettres de recommandation signé par Etienne Flandin et Pierre Taittinger. C’est un nouvel échec. Bavaud abandonne et décide de partir pour Paris, mais il est arrêté lors d’un banal contrôle par la Reichsbahnpolizei qui le remet à la Gestapo. Sur trouve sur lui le pistolet et des documents comcergeurs. Torturé, le Suisse avoue ses plans d’assassinat. Il est traduit devant le Tribunal du peuple (Volksgerichtshof) du juge Roland Freisler, le 18 décembre 1938. Seul face à la justice nazie, Bavaud est condamné à mort et guillotiné à la prison de Plötzensee au petit matin le 14 mai 1941. Le prêtre français Marcel Gerbohay, qui aurait poussé Maurice Bavaud à commettre ces actes, est aussi condamné.

Georg Elser est sans doute celui qui a été le plus proche du but.

Le 8 novembre 1939, Adolf Hitler se rend à Munich pour commémorer le putsch manqué de 1923 dans la brasserie « Bürgerbräukeller » en compagnie de la « vieille garde » du Parti nazi. Contrairement à ses habitudes, Hitler bâcle son discours et part pour la gare sans avoir pris la peine de s’attarder avec ses camarades. Une dizaine de minutes plus tard, à 21h20 précisément, une énorme déflagration se produit, volatilisant les piliers et faisant s’effondrer le plafond. Sept corps sans vie et soixante-trois blessés sont sortis des décombres. Persuadé que cet attentat est l’œuvre de l’Intelligence Service, il fait enlever deux agents britanniques en mission à Venlo aux Pays-Bas, mais le 10, un homme est arrêté alors qu’il tente de passer clandestinement en Suisse. Sur lui, on découvre un fragment de détonateur et une carte postale représentant la salle du « Bürgerbräukeller » avec un pilier marqué d’une croix rouge. L’individu, un ébéniste-horloger de 36 ans répondant au nom de Georg Elser est un adversaire convaincu du nazisme.  Il passe rapidement aux aveux et explique avec calme comment, plusieurs jours durant, il a installé son engin explosif et le mouvement d’horlogerie dans un des piliers de la tribune. Malgré les tortures et les séances d’hypnose, Elser maintient qu’il a agi seul. La propagande allemande fait sienne la thèse de la conspiration et accuse Londres d’avoir commandité l’attentat avec Otto Strasser, un autre ennemi du régime. Le 10 novembre à Munich, Hitler assiste à une cérémonie d’hommage aux victimes de l’attentat perpétré deux jours plus tôt.

Le mécanisme d’horlogerie de la bombe d’Elser. (c)DR
Les dégâts impressionnants infligés au Bürgerbräukeller. Le toit s’est effondré. (c) Bundesarchiv

Une tentative avortée

Le Generalfeldmarschall Erwin von Witzleben, commandant en chef des territoires occupés de l’Ouest à Saint-Germain, cherche depuis 1940 à rallier des membres de l’état-major à ses projets d’attentats. Il parvient à réunir entre autres le Rittermeister Graf von Waldersee, membre de l’état-major du commandant de Paris, ainsi que l’Oberstleutnant Hans-Alexander von Voß et l’Hauptmann Graf Schwerin von Schwanenfeld, qui font partie de l’état-major de von Witzleben. Ils sont en contact avec Goerdeler et Hassell, qui les encouragent à commettre l’attentat. Goerdeler se rend à plusieurs reprises à Paris, afin d’informer l’Hauptmann Graf Waldersee que toutes les mesures à accomplir lors du putsch contre Hitler sont mises en place. Il est prévu d’abattre Hitler sur sa tribune, Place de la Concorde, lors d’un défilé militaire sur les Champs-Élysées qui doit avoir lieu en mai 1941. Graf Schwerin, l’officier d’ordonnance de von Witzleben, se tiendra prêt à lancer une grenade sur Hitler si l’occasion se présente. Mais le dictateur ne vient pas, annulant au dernier moment le défilé militaire.

Le Groupe d’armées Centre

Hitler dévoile à son état-major son projet d’invasion de l’Union Soviétique en mars 1941. L’Oberst Henning von Tresckow, qui jusque-là avait été un antinazi passif, décide de passer à la résistance plus active. Nommé à l’état-major du Generalfeldmarshall von Bock, chef du Groupe d’armée centre pour l’opération Barbarossa, Tresckow regroupe autour de lui des officiers opposés à Hitler et forme un noyau de résistance. Cependant les victoires obtenues à l’Est et les révocations de Brauchitsch et de Bock après l’échec essuyé devant Moscou les empêchent d’agir.

En 1942, Oster parvient à remonter un réseau de résistance au sein de l’armée. Il recrute le Generalleutnant Friedrich Olbricht, chef du bureau général de l’armée à l’état-major du Bendlerblock (Berlin) qui dispose d’un système de communications indépendant reliant toutes les unités militaires en Allemagne. Les deux groupes de résistance s’associent pour éliminer le chef suprême des forces armées, attendant le bon moment pour passer à l’action. Celle-ci ne tarde pas à se présenter. Après la chute de Stalingrad le 2 février 1943, Hitler décide d’effectuer une tournée des quartiers généraux du GA Centre. Informé de la venue du Führer, Tresckow s’attelle à la tâche. Il est prévu que les généraux Lanz et Speidel l’arrêtent à l’aérodrome de Poltawa avec un contingent soigneusement choisi de la division blindée sous le commandement du colonel von Strachwitz, et de l’abattre si besoin. Néanmoins, l’avion de Hitler atterrit à Saporoshe contre toute attente et se rend à Smolensk le 13 mars.

Le Generalmajor Henning von Tresckow. (c) Bundesarchiv

Henning von Tresckow ne baisse pas les bras et met au point une nouvelle opération. Au cours d’un dîner, le chef d’état-major de la 2. Armee demande au colonel Brandt, qui escorte Hitler, de bien vouloir acheminer à un officier en poste à Berlin un paquet contenant deux bouteilles de Cointreau. Ces dernières contiennent en réalité deux bombes munies d’un détonateur à acide. L’explosif a été subtilisé une semaine auparavant dans les bureaux de la section du contre-espionnage. À l’heure du départ, un autre conjuré, Fabian von Schlabrendorff, brise la capsule contenant l’acide placé dans le paquet tout en s’assurant qu’Hitler monte dans l’avion. La bombe est réglée pour exploser 30 minutes après l’envol, mais l’appareil atterrit sans aucun dommage deux heures plus tard sur la piste de l’aérodrome situé à proximité de son QG  » Wolfsschanze  » à Rastenburg. Les conspirateurs informent leurs complices à Berlin de ce nouvel échec et récupèrent le paquet avant qu’il n’explose. Le froid a empêché la bombe de fonctionner correctement.

La journée des Héros

En dépit de ces deux échecs, les conjurés se préparent de nouveau à frapper. Une nouvelle occasion s’offre à eux. Von Tresckow apprend que la Heledengedenktag, la « journée des héros » doit avoir lieu à la même date que la Volkstrauertag qui commémore les morts de la Première Guerre Mondiale, le 21 mars 1943. À cette occasion, Hitler doit visiter une exposition d’armes de prise qui se tient dans l’arsenal Unter den Linden. Von Tresckow entre en relation avec un officier de liaison de l’Abwehr, L’Oberst Rudolph-Christoph von Gersdorff et lui demande d’orchestrer un attentat contre Hitler. L’officier, qui est prêt à faire le sacrifice de sa vie, propose de se faire exploser avec Hitler lors de la visite de l’exposition. Pour se faire, il dissimule deux bombes dans les poches de son manteau, mais faute de posséder un détonateur adéquat, il doit en fabriquer un lui-même. Il le règle pour qu’il explose dix minutes après son amorçage. Le 21 mars, von Gersdorff commence à guider le Führer, mais après quelques minutes, ce dernier s’éclipse prématurément hors du bâtiment pour s’entretenir avec des soldats blessés. Von Gersdorff, qui ne peut pas le suivre sans se risquer de se faire suspecter, réussit à désamorcer la bombe dans les toilettes.

Rudolph-Christoph von Gersdorff. (c) Fot. Archiwum

L’attentat du 20 juillet contre Hitler

Convaincus que le Führer mène le pays à sa perte, de nombreux généraux allemands sont favorables à son élimination et entretiennent des relations avec les opposants. L’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Beck, regroupe autour de lui de nombreux maréchaux et généraux qui ont perdu foi en leur Führer. Cependant, toutes les tentatives menées pour faire disparaître Hitler se sont soldées par des échecs. Le 13 avril 1943, les officiers conjurés de la Schwartze Kapelle Tresckow et Schallendorff dissimulent une bombe à retardement dans l’avion qui doit ramener Hitler de Smolensk, mais un dysfonctionnement empêche la bombe d’exploser.

Stauffenberg en compagnie d’Albrecht Merz von Quirnheim

Loin de se décourager, les conjurés échafaudent un nouveau plan. L’âme du nouveau complot, le comte Claus Schenk von Stauffenberg décide de frapper au QG du Führer Wolfsschanze, près de Rastenburg en Prusse orientale. Tous les jours, il s’entretient de la situation militaire avec ses généraux. Issu de la vieille aristocratie, Stauffenberg est un brillant officier d’état-major de 37 ans a combattu en Tunisie aux côtés de Rommel. Grièvement blessé, il a été renvoyé en Allemagne et intègre l’état-major général à Berlin où il occupe d’importantes responsabilités. Ce fervent catholique est prêt à donner sa vie pour éliminer Hitler.

Le 20 juillet 1944, il se rend sur les lieux avec son aide de camp, l’adjudant Werner von Haeften et une bombe à retardement dissimulée dans sa serviette. La réunion à déjà commencé, quand il pénètre dans la baraque aux murs renforcés de béton. Pendant que Hitler se penche au-dessus de la table couverte de cartes militaires, von Stauffenberg dépose sa serviette sous la table et quitte la salle sous un faux prétexte. La bombe explose à 12h42 faisant s’effondrer les murs et une partie du plafond. Quatre des 24 personnes présentes sont tuées, mais Hitler est sorti des décombres, profondément choqué mais bien vivant. Persuadés de la mort du dictateur, les deux conjurés profitent du tumulte crée par l’explosion pour quitter les lieux et rejoindre l’aérodrome d’où ils s’envolent à destination de Berlin. Vers 15 heures, un coup de téléphone est adressé aux autres conjurés pour leur confirmer l’ordre de déclencher l’opération Walkyrie. Mais les conjurés attendent plusieurs heures avant d’agir. Quand Stauffenberg arrive à Berlin, rien n’a été fait. Il s’emploie à rattraper le temps perdu. Ordre est donné à l’armée d’occuper les postes du gouvernement et les ministères. Les troupes SS sont désarmés et les dirigeants arrêtés. Lorsque la nouvelle se répand que Hitler n’est que légèrement blessé, le soulèvement s’effondre. Désorientés, les conjurés hésitent sur la marche à suivre. Un bataillon SS cerne le Bendlerblock où sont enfermés les conjurés. Sans issue possible, ils sont arrêtés.

En vertu de la loi martiale, von Stauffenberg est fusillé dans la cour avec son ami Albrecht Ritter Mertz von Quirnheim, Friedrich Olbricht et Werner von Haeften. Beck est exécuté dans son bureau, après une tentative de suicide manquée. Les corps des fusillés sont d’abord inhumés dans un cimetière avec leurs uniformes et décorations. Le chef des SS, Heinrich Himmler, qu’Hitler a fait charger d’arrêter les personnes liées au complot, fait déterrer les cadavres et ordonne de les brûler. Leurs cendres sont disséminées à travers champs. Par des circonstances regrettables, la Gestapo entre en possession de documents qui révèlent que les conjurés étaient en contact avec des groupes civils de résistance. Dans les semaines suivantes, environ 200 hommes et femmes sont jugés par le Tribunal Populaire, sous la Présidence de Roland Freisler. Hitler fait réaliser un film à partir de ces débats. Presque tous les accusés sont condamnés à mort. L’exécution des jugements se fait deux heures après l’annonce de la sentence, à la prison de Plötzensee. Par la suite, la Gestapo arrête encore environ 7 000 personnes. Des milliers sont exécutées jusqu’à la fin de la guerre. Même les membres de la famille des officiers du 20 juillet ne sont pas épargnés: jusqu’à la fin de la guerre, ils passent leur temps en soi-disant « détention surveillée ».

Le 10 août 1944, Berthold Schenk Graf von Stauffenberg, le frère de Claus, se tient devant le tribunal qui va le condamner à mort. Il est exécuté quelques heures plus tard. (c) Bundesarchiv

Une cour martiale hâtivement réunie condamne à mort Stauffenberg, Olbricht et deux autres conjurés. Beck est tué dans son bureau, après une tentative de suicide manquée. Dans les semaines suivantes, environ 200 hommes et femmes sont jugés par un tribunal du peuple, sous la Présidence de Roland Freisler. Le général von Stülpnagel et les maréchaux von Kluge et Rommel sont contraints au suicide.

Le petit menuisier Georg Elser n’est pas jugé, mais il envoyé au camp de Sachsenhausen avant de rejoindre celui de Dachau en 1944. Il est placé à l’écart des autres prisonniers sous le nom de « Eller ». Le prisonnier spécial est finalement exécuté le 9 avril 1945 par les gardes SS sur l’ordre de Hitler.

L’opération Foxley

Les Britanniques vont eux aussi élaborer un plan pour éliminer Hitler. Les spécialistes du Special Operation Executive (SOE) étudient la possibilité de placer une charge explosive à bord du train du dictateur, mais les changements d’horaire ont empêché de mettre ce plan en œuvre. Il est décidé d’envoyer un tireur d’élite au Berghof. Un ancien membre de la garde personnelle du dictateur capturé a en effet révélé que lorsque le Führer y séjournait, il effectuait chaque jour une marche matinale d’une vingtaine de minutes sans aucune protection. La présence d’un bois mettait la cible hors de vue des sentinelles les plus proches.

Le Captain Edmund Bennett de l’armée britannique est sélectionné pour accomplir cette mission. L’officier maîtriser couramment la langue allemande. Un autre homme, un Polonais, est chargé de faire pénétrer Bennett dans le camp fortifié. Il est prévu de les parachuter sur zone. Un habitant antinazi de Salzbourg, un dénommé Heidentaler, doit les prendre en charge une fois au sol et les cacher.

Adolf Hitler en route pour le nid d’Aigle. (c) AFP

Mais, des dissensions ne tardent pas à apparaitre au sein du SOE et également de l’Armée, beaucoup craignant que la mort de Hitler ne soit pas une bonne idée. Certains craignaient que son successeur, plus compétent, leur donne beaucoup plus de fil à retordre, d’autres pense que cela aurait pour effet de faire du dictateur un martyr et rendrait la dénazification du pays plus compliqué et plus longue. Le plan est finalement abandonné. Quant à Hitler, il se suicide le 30 avril 1945 dans le bunker de la chancellerie à Berlin.   

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