Narvik, une occasion manquée

En janvier 1940, l’armée française met sur pied un corps expéditionnaire pour porter secours à la Finlande en guerre contre l’Union soviétique et couper la route maritime permettant à l’Allemagne de s’approvisionner en minerai de fer, indispensable à son effort de guerre. Mais le 9 avril 1940, les troupes allemandes prennent pied en Norvège.

De l’importance stratégique de la Norvège

Soucieux de ne pas attaquer l’Allemagne directement, les gouvernements français et britanniques élaborent des stratégies périphériques. Les Français sont favorables à un débarquement à Petsamo en Finlande. L’idée est finalement abandonnée au profit d’une action combinée en Norvège. Depuis plusieurs mois, Winston Churchill préconise une action préventive dans la région de Narvik pour barrer la route du fer. À la belle saison, le minerai de fer est acheminé en Allemagne via la Baltique ; l’hiver, il est transporté par voie ferrée jusqu’à Narvik et transbordé à bord de cargos allemands qui utilisent les nombreux fjords et chenaux norvégiens pour regagner leurs ports d’attache sans craindre de rencontrer la Royal Navy. Si Daladier soutient le projet de Churchill, le premier ministre Neville Chamberlain s’y oppose. Il faut attendre le 5 février 1940, pour voir le Conseil Supérieur Interallié donner son aval à l’intervention. L’expédition franco-britannique doit avoir lieu en mars, mais l’affaire de l’arraisonnement du pétrolier ravitailleur allemand Altmark et la capitulation d’Helsinki le 1er mars entraînent le report puis l’annulation de l’opération.

L’incident de l’Altmark

En février 1940, l’Altmark fait route vers l’Allemagne avec à son bord 300 marins britanniques recueillis sur les navires de commerces coulés par le croiseur Admiral Graf Spee. Le bâtiment est sommairement contrôlé à trois reprises par la Marine royale norvégienne lors de son passage à travers les eaux du pays. L’équipage de l’Altmark dissimule la présence des prisonniers dans les cales et obtient des autorités norvégiennes l’autorisation de poursuivre sa route vers le sud. Repéré par la Royal Navy, le navire allemand au large d’Egersund est intercepté par le HMS Cossack. Il se réfugie dans le Jøssingfjord suivi par le destroyer britannique et des navires norvégiens.  Ces derniers empêchent le HMS Cossack d’aborder l’Altmark. C’est le statu quo jusqu’au 16 février. Face au refus des Norvégiens de participer à une inspection commune du navire allemand qui s’est échoué, les Britanniques montent à bord de l’Altmark et s’en rendent maîtres. Cet incident sème le doute sur la neutralité norvégienne. 

L’invasion de la Norvège

Informé du projet allié, le commandement allemand prend les devants et déclenche l’opération Weserübung. Le 8 et le 9 avril 1940, la Wehrmacht envahit le Danemark en 24 heures. Simultanément, deux divisions de chasseurs de montagne et trois divisions d’infanterie débarquent en six points le long des côtes norvégiennes. Les Norvégiens coulent le croiseur Blücher, mais les Allemands prennent le contrôle des ports de Bergen, Trondheim, Egersund, Kristiansand et Narvik. Le 9, le I/ Fallschirmjäger Regiment 1 (FJR1) de l’Hauptmann (capitaine) Erich Walther est largué sur les aérodromes norvégiens. Les deux compagnies chargées de s’emparer de celui de Fornebu-Oslo sont contraintes de faire demi-tour à cause de la DCA et du brouillard, mais la 3. Kompanie de l’Oberleutnant von Brandis parvient à capturer l’aérodrome de Sola près de Stavanger. Les troupes parachutistes allemandes s’emparent d’Oslo et de Stavanger dans la journée. Le roi Haakon VII, son gouvernement et les députés se réfugient dans les montagnes. Les Allemands engagent 2 000 Gebirgsjäger et 2 600 marins à Narvik. La 2. Gebirgsjäger Division forte de 15 000 hommes sera envoyé en renfort en juin.

L’intervention franco-britannique

Après avoir conquis le sud du pays, les Allemands dépêchent 10 destroyers pour prendre le contrôle du port de Narvik. Chaque bâtiment transporte 200 gebirgsjäger. La garnison norvégienne tente de résister mais elle est contrainte de capituler. Le 10, 5 destroyers britanniques arrivent à l’entrée du fjord d’Herlangen et engagent le combat. Deux destroyers sont coulés de part et d’autre. Onze navires marchand sont coulés. Trois jours plus tard, la Home Fleet envoie le cuirassé HMS Warspite et huit destroyers pour en finir. Les Allemands perdent huit destroyers, un sous-marin et un millier d’hommes. Les marins rescapé, au nombre de 2 600, se réfugient dans les montagnes enneigées avec le reste du corps expéditionnaire.

Le fjord d’Herlangen après la bataille. (c) DR

Partie de Brest, la Force Z  du contre-amiral Derrien met à terre le corps expéditionnaire français en Scandinavie (CEFS) du général Audet le 14 avril. Elle s’empare de l’embouchure du fjord Lofoten. La force de 16 000 hommes se compose de la 1re division légère de chasseurs, la 13e demi-brigade de marche de la Légion étrangère (13e DBMLE), la 1re division légère d’infanterie (1re DLI) et la brigade autonome de chasseurs de Podhale forte de 5 000 hommes et commandée par le général Bohusz-Szyszko. Les Britanniques engagent une quinzaine de bâtiments de guerre et les 24e et 146e brigades d’infanterie sous les ordres du General Mackesy, soit 13 000 hommes. La 6e DI norvégienne du général Fleischer se trouve dans le secteur de Narvik tandis que la 5e DI tient l’intérieur du pays.

Revue Le Miroir du 5 mai 1940. (c) TdG
Le corps expédionnaire français sur le départ. (c) Pathe

Les paras allemands sautent sur Dombas

La 1. Kompanie de l’Oberleutnant Herbert Schmidt qui a sauté sur Dombas le 14 avril, à 90 kilomètres au nord d’Oslo subit de lourdes pertes. Sa mission initiale était d’empêcher la jonction entre les troupes norvégiennes et celles des Britanniques débarquées à Namsos, mais le largage, catastrophique, a occasionné la dispersion des hommes et des pertes sensibles. Schmidt est gravement blessé, mais il continue à exercer son commandement. Encerclés par plusieurs bataillons norvégiens, quarante d’hommes luttent jusqu’à épuisement de leurs munitions. Après 4 jours de combats, les 34 survivants sont faits prisonniers.

Des Fallschirmjäger viennent d’être parachutés en Norvège. (c) TdG

La bataille de Narvik

La Royal Navy s’oppose au débarquement de la 2. Gebirgs Division du Generalleutnant Dietl dans la région de Narvik. De violents combats navals ont lieu les 10 et 13 avril. Dix destroyers allemands sont coulés dans le fjord de l’Ofot et le fjord de Rombak. Les premiers éléments de la Rupertforce sont mis à terre à Harstad et dans les îles Vesterälen, au nord-ouest de Narvik. Le 16 avril, la 24e brigade de la Garde débarque au nord et à l’ouest du fjord de Lofoten. Elle est rejointe par la 27e demi-brigade de chasseurs alpins le 28.

Les troupes britanniques s’apprêtent à quitter le port écossais de Gourock le 20 avril 1940. (c) IWM

La 146th Infantry Brigade et la 5e demi-brigade de chasseurs alpins (Mauriceforce) débarquent à Namsos le 17 avril. Les 15th et 148th Infantry Brigades (Sickleforce) prennent pied à Andalsnes, près de Trondheim, le lendemain. Les Britanniques atteignent Lillehammer le 19, mais la destruction du port de Namsos par les avions de la Luftwaffe les jours suivants fragilisent les deux têtes de pont. Les troupes allemands venant d’Oslo contre-attaquent avec l’appui de l’artillerie et encerclent la 148th Infantry Brigade sous-équipée. Les 300 rescapés sont contraints de se replier sur Heidal.

A Narvik, la progression s’avère très difficile en raison du terrain, de la météo et de la résistance opiniâtre des Allemands. Le général Béthouart fait mettre à terre la 13e DBMLE et les chars de la 342e compagnie autonome de chars de combat (CACC) à Bjervik le 13 mai. Les légionnaires font leur jonction avec les chasseurs alpins venant de Foldvik et la 6e DI norvégienne descendant du nord. Les chasseurs polonais débarqués à Ostervik et à Skjomnes se rassemble le 16 mai. Ils s’emparent de Bjervik et prennent position sur la péninsule d’Ankenes, face à Narvik.

Les chasseurs alpins mettent à profit leur expérience du combat en montagne. (c) DR

Les 2 000 Gebirgsjäger de Dietl et les 2 600 marins rescapés des destroyers coulés opposent une résistance acharnée, mais désespérée. Un millier d’hommes est envoyé en renfort par la voie des airs, mais les Allemands sont contraints d’abandonner Narvik et se replient vers la frontière suédoise.

Le commandement décide d’abandonner les têtes de pont d’Andalsnes et de Namsos et fait réembarquer les troupes au début du mois de mai, laissant le champ libre aux Allemands. Les villes d’Hannesberget et de Bodö sont évacuées. Suite à ces revers, le commandement allié décide de porter l’effort principal sur Narvik.

Un groupe de Gebirgsjäger à Narvik. (c) Bundesarchiv

Le temps du repli

La situation militaire en France oblige les Alliés à mettre un terme aux opérations militaires en Norvège permettant à la Wehrmacht d’occuper la totalité du pays. Le roi Haakon VII et ses ministres quittent le pays pour se réfugier en Grande-Bretagne. Les combattants français, britanniques et polonais rembarquent entre le 3 et le 8 juin. La Kriegsmarine tente d’intercepter les convois. Un transport de troupe et le porte-avions HMS Glorious sont coulés au large de la Norvège par les croiseurs Gneisenau et Scharnhorst. La bataille coûte aux Allemands 1 300 tués et blessés, et la moitié des navires engagés. Les Norvégiens et les Alliés déplorent la perte de 5 000 hommes.

Les légionnaires de la 13e DBMLE en partance pour la Grande-Bretagne. (c) ECPAD

Rapatriées à Brest et à Lorient, les troupes de Béthouard sont jetées dans la bataille de France. La 40e DI rassemblant les unités alpines revenue de Norvège est envoyée dans les plaines de Somme et de Picardie pour tenter de colmater les brèches. Les chasseurs alpins et les chasseurs à pied y accumulent les faits d’armes. La 5e DBCA quant à elle, combat en Normandie. Rapatriée à la mi-juin, la 13e DBMLE gagne la Grande-Bretagne. La majorité des hommes et des officiers choisiront finalement de rallier le général de Gaulle et la France libre, mais ceci est une autre histoire.

(c) Tous droits réservés. Christophe Prime. Mars 2020.

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