La veste de saut M-1942 équipant les paras américains est devenu un des pièces d’uniformes les plus iconiques de la Seconde Guerre mondiale. Le film Saving private Ryan (1997) et la série Band of Brothers (2001) de Steven Spielberg (associé à Tom Hanks pour BoB) ont conduit à populariser cette veste au design surprenant et très en avance sur son temps. Aujourd’hui, les répliques sont légions et les créateurs de mode comme Zara, All Saints, Barbour, T.F. Quilty Co s’en sont inspirés pour créer des vestes très tendance au look baroudeur. Ralf Lauren l’a quant à lui tout simplement reproduite ( Ralph Lauren RRL Mens Safari Military Jacket). Revenons sur l’histoire de cette veste hors norme.
La création de l’arme aéroportée s’est accompagnée de la mise au point de nombreux équipements spécifiques à cette arme, et ce dans tous les pays. De l’armement aux conteneurs, en passant par les bottes, l’équipement individuel ou encore les casques, tout a été repensé en fonction de ce nouveau mode de projection contraignant, mais aussi en fonction de la doctrine d’emploi des troupes aéroportées qui devaient pouvoir opérer derrière les lignes ennemis plusieurs jours durant. Après avoir porté différentes combinaisons mal adaptées, notamment la fameuse Balloon Suit, les paras américains reçoivent une nouvelle tenue de saut M-1941 en popeline de coton kaki clair conçue par le Captain William P. Yarborough. Le pantalon est doté de deux poches de cuisse. Il est prévu pour être porté avec des bretelles. La veste posséde quatre poches plaquées, une fermeture par zipp, un soufflet d’aisance dans le dos et une ceinture en toile à la taille. Les poches de poitrine sont inclinées pour permettre un accès plus aisé. Une petite poche verticale fermant par deux zippers est placée à hauteur du col pour loger un couteau à cran d’arrêt M2 devant permettre au trooper de couper les sangles de son harnais de parachute en cas de nécessité. La tenue est belle, mais à l’usage, elle présente un défaut majeur. Les poches plaquées ne sont guère pratiques. L’unique bouton pression prévu pour fermer chacune d’entre elles est insuffisant.
Yarborough travaille donc sur une nouvelle version. La M-1942 est prête en décembre 1941. Le pantalon est doté de poches à soufflets assez grande pour loger des boîtes de rations. Celles de la veste possédent également une plus grande contenance. Deux boutons pression ferment chaque poche. Cette nouvelle tenue n’est pourtant pas sans défaut. La couleur kaki clair OD3 passe rapidement avec les lavages et le soleil. Aussi, les Pathfinders en Normandie et les unités engagées en Provence (517th, 509th et 551st Parachute Infantry Battalion) ne vont pas hésité à les barioler avec de la peinture pour les camoufler. Utilisée de manière intensive tant à l’entrainement qu’au combat, elle s’use rapidement, la popeline n’étant pas un tissu très résistant. Les coutures des poches surchargées s’abîment plus de que raison. Dans un premier temps, les hommes les réparent grossièrement. Ce sont ensuite les riggers, chargés de l’entretien du matériel de saut, qui sont sollicités pour coudre des renforts en forte toile aux coudes, aux genoux et aux poches. Introduite en Sicile lors de l’opération Husky par les paras de la 82nd U.S. Airborne Division, cette pratique s’est poursuivie. Leurs camarades la 101st U.S. Airborne Division l’ont reprise à leur compte.
On estime que 80 à 85% des troopers engagés en Normandie portent des tenues renforcées le 6 juin 1944. Très peu d’exemplaires portées en Normandie ont survécu. Après un mois de combat intensif dans le bocage, les tenues M-1942 ne sont pas belles à voir. De plus, le produit anti-vésicant CC2 dont les effets ont été imprégnés les rendent si poisseuses et nauséabondes, que les hommes ne pensent qu’à s’en débarrasser. Un para fait même fait bouillir sa tenue dans le calva provoquant la colère d’un fermier normand … La grande majorité des tenues de combat est détruite à la fin de la campagne de Normandie, y compris celle des blessés (le plus souvent souillées). N’oublions pas que les morts sont inhumés avec leurs uniformes. Quelques combattants (notamment des officiers), vont conserver leurs tenues de combat en guise de souvenirs et les ramener aux Etats-Unis. Quelques rares vestes ont été retrouvées sur le terrain. Des tenues renforcées de rechange non imprégnées ont également survécu. Restées en Angleterre, elles n’ont pas été utilisées en Normandie et ce sont le plus souvent ces dernières que l’on retrouve dans les musées et les collections privées. En raison du prix de ses tenues, elles ont été largement copiés, des faussaires n’hésitant pas à remonter des renforts en toile sur des tenues originales. Il faut savoir que le montage des pièces de renforts diffèrent d’une division à l’autre. Profitons en pour soulever un point tout aussi dérangeant : les effets portés par les parachutistes américains sont pour la plupart nominatifs, augmentant de fait leur valeur. Cette généralisation des marquages ne se rencontre dans aucune autre unité américaine …
À leur retour en Angleterre, les paras américains vont devoir troquer bon gré mal gré leurs vestes et leurs pantalons M-1942 contre la nouvelle tenue standard M-1943 plus solide et surtout mieux adaptée aux rigueurs du théâtre d’opération européen. Cette dernière peut être équipée d’une doublure et d’une capuche amovible. De plus, sa couleur kaki foncé OD7 est adaptée au théâtre européen (ETO) Quoiqu’il en soit, la tenue M-1943 ne détrônera jamais sa devancière.
(c) Tous droits réservés. Christophe Prime, septembre 2020.