Le 17 juin à 12 heures 30, le maréchal Philippe Pétain, le nouveau chef du Gouvernement français, annonce officiellement à la radio qu’il faut cesser le combat et fait connaitre son intention de demander à l’ennemi de signer un armistice. Arrivé à Londres le même jour à Londres, le général de brigade Charles De Gaulle refuse quant à lui la défaite et entend rassembler tous les Français souhaitant poursuivre la lutte.
Il obtient l’aval de Winston Churchill de s’exprimer à la radio. Le premier ministre britannique doit persuader le War Cabinet du bien-fondé de l’acte, certains de ses membres souhaitant ne pas gêner les négociations engagées par le gouvernement français. Installés à Seamore Place, De Gaulle et son aide de camp Geoffroy de Courcel peaufinent un projet de discours basé sur celui qu’il a prononcé le 21 mai à Savigny-sur-Ardres au lendemain de la bataille de Montcornet. Le texte est ensuite soumis à Churchill qui demande que des corrections soient apportées au texte afin de le rendre plus neutre.
Le mardi 18 juin en fin de journée, le général de Gaulle se rend dans les locaux de la BBC de Broadcasting House pour y prononcer son allocution qui est diffusé à 22 heures (heure locale). Il lance un appel à l’adresse de ses compatriotes se trouvant en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver à se mettre en rapport avec lui car « Quoiqu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. ». Le texte officiel de l’appel est communiqué à la presse le lendemain et publié dans les colonnes des journaux The Times et Daily Express. Quelques titres régionaux français le reprennent également. L’appel du 18 juin 1940, qui a été très peu entendu, n’a pas été enregistré. Une nouvelle mouture – un peu différente – est diffusée par la BBC les 20 et 22 juin.
L’affiche « À tous les Français », rédigée au 4, Carlton Gardens à Londres, reprend les arguments de l’appel, mais il s’agit d’une version différente. Un premier tirage de mille exemplaires est réalisé par l’imprimerie Fallek au cours de la deuxième quinzaine de juillet. Les affiches sont placardées à partir du 5 août dans des rues de la capitale et des grandes villes britanniques. Un deuxième tirage de dix mille exemplaires sort de l’imprimerie J. Weiner Ltd en fin d’année, et un troisième est réalisé par Harrison & Sons Ldt. Ces affiches seront notamment diffusées auprès des Français de Londres. Les versions anglaises de l’affiche ont une caractéristique commune très particulière. Le texte est entouré des couleurs anglaises : bleu à l’extérieur, rouge à l’intérieur. Deux erreurs typographiques ont été faites : La lettre « d » du mot servitude est décalée vers le haut et le « e » de péril n’a pas d’accent. Des réimpressions de l’affiche seront réalisées en France à la libération. Elles sont facilement différenciables car les couleurs des bordures sont inversées (liseré rouge à l’extérieur et bleu à l’intérieur). La date du 18 juin 1940 est ajoutée.
À l’annonce de la signature de l’armistice par le gouvernement de Bordeaux, Churchill sort de sa réserve et reconnaît officiellement, le 28 juin, De Gaulle comme le « Chef de tous les Français libres ». Pourtant trente mille soldats français séjournent en Angleterre après avoir été rapatriés de Narvik, évacués de Dunkerque, de Cherbourg où de Brest, tandis que les navires de guerre et de commerce arborant le pavillon tricolore mouillent dans les ports anglais. Pourtant, les débuts sont difficiles. A l’exception des généraux Legentihomme, Catroux, et de l’amiral Muselier, les responsables politiques et militaires de l’Empire préfèrent rester fidèles à Pétain. Les volontaires, informés le plus souvent par le bouche à oreille, se présentent au compte-gouttes à Seamore Place puis à Saint Stephen House où le général a fini par installer ses services. La majorité des militaires français ne pensent qu’à rentrer en métropole. Le drame de Mers el-Kébir, la saisie des navires français dans les ports britanniques et l’internement des équipages accélèrent le reflux.
De Gaulle va rallier finalement à sa cause 200 chasseurs alpins et une grande partie de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère. Dans le même temps, quelques poignées de civils ou de militaires décident de tout quitter pour rejoindre ce général insoumis de 49 ans par la voie des mers ou des airs. C’est ainsi que, le 20 juin, 128 marins de l’île de Sein rallient l’Angleterre à bord de leurs bateaux de pêche. Des aviateurs traversent la Manche en avion, tandis que d’autres gagnent Londres après un long périple via l’Espagne, Gibraltar et le Portugal. Des hommes venant d’AEF, du Levant, de Madagascar, de Djibouti, du Pacifique, viennent garnir les rangs des FFL.
Le 14 juillet, le général passe en revue les premiers éléments à Whitehall sous les acclamations des Londoniens, mais à la fin du mois, les FFL ne comptent que 7 000 hommes. Le 7 août, il signe avec Churchill un traité donnant à la France libre les assises financières et administratives qui lui faisaient défaut. Si le général De Gaulle conserve le commandement suprême de ses forces armées, il doit accepter des directives du haut-commandement britannique. Parallèlement, le grand mouvement de dissidence, manqué en juin, s’amorce dans l’Empire : le Tchad, le Cameroun, le Congo et l’Oubangi-Chari passent sous le contrôle de la France libre.
(c) Tous droits réservés. Christophe Prime, juin 2020.